Alexandre Letenneur
Directeur Général Quaternaire
Cette 15e édition n’a pas été facile à organiser au vu du contexte. Mais nous avons décidé d’aller « vers l’avant », parce que nous avions tellement envie de nous retrouver en présentiel, d’être ensemble.
Alors pourquoi ce thème « Vers l’avant » ? Quand on regarde la manière dont les entreprises ont traversé la crise, on se rend compte que celles qui avaient une vision d’avenir, à moyen ou long terme, ont mieux résisté parce qu’elles ne se sont pas retrouvées bloquées face au mur, sans élan.
Et puis, en regardant loin, on voit la lumière au bout du tunnel. Il n’y a pas un sport, pas une discipline dans laquelle, l’intention de jeu ne produise de résultat. Il n’y a pas un sport, pas une discipline dans laquelle, le regard ne guide le corps pour effectuer le bon geste. Donc regardons vers l’avant, car on a de fortes chances d’atteindre l’objectif qu’on s’est fixé, l’objectif dont on a rêvé.
Le contexte : partageons aussi de bonnes nouvelles !
Si on regarde certaines statistiques peu réjouissantes, on a d’autant plus besoin de se projeter « vers l’avant ». Le taux de dépression accompagnée est passé de 21 à 36% entre décembre 2020 et mars 2021. Cela touche plus particulièrement les jeunes et les femmes. 32% des collaborateurs craignent le suicide d’un collègue. 10% des collaborateurs craignent qu’un collaborateur agresse un autre collaborateur. Celui dont on ne s’occupe jamais, c’est le dirigeant, il ne rentre pas dans les statistiques. Et pourtant, sa santé joue sur la santé de ses équipes et de l’entreprise.
Qui dit mauvaises nouvelles dit aussi bonnes nouvelles ! La question que tout le monde se posait pendant la crise, c’est « Est-ce que l’économie va repartir ? » Eh bien, oui, l’économie est repartie. La prévision de croissance est de 6,3% après une baisse de 8% l’an dernier. Dans l’ensemble, ça transpire l’innovation, la volonté d’aller « vers l’avant », le digital, l’entreprise créatrice. L’autre bonne nouvelle : la crise a révélé les managers de proximité. 100% des dirigeants affirment qu’ils ont très bien ou plutôt très bien accompagnés leurs équipes dans la crise.
Au fond, quels changements ?
Ce qui n’a pas changé : pas moins qu’en 2019, l’exigence de performance économique, d’excellence client, et d’innovation prédominent… la digitalisation est toujours un facteur clé incontournable de la performance. Pas beaucoup moins qu’en 2019, la tension perdure sur le recrutement. 15% des entreprises de l’industrie et des services et 40% de celles du bâtiment sont freinées dans leur développement par le manque de ressources.
Enfin, la société est toujours dans son entier à l’image de la génération dite Z, désireuse de compétence, d’immédiateté, de contribuer à sauver la planète, …sans oublier un bon niveau de rémunération.
Ce qui a changé : En vérité nous avons vécu une accélération sociologique majeure sur tout ce qui était déjà bien entamé !
1 : le télétravail a désacralisé le travail. Il y a dix ans, nous parlions de faire du travail un lieu de vie, pour développer le bien-être des collaborateurs. Aujourd’hui, c’est le lieu de vie qui est devenu un lieu de travail. La maison a repris le pouvoir sur le travail. Le travail, qui était sacré, une finalité en soi, est devenu un moyen de vie. Deux tiers disent qu’à l’issue de la crise, ils accorderont moins d’importance au travail. Un tiers affirment qu’ils chercheront un travail qui a plus de sens (Source Opinion way).
2 : Aujourd’hui, la quête de sens par-dessus tout !
« Je change de vie », « j’ai envie d’ailleurs », des propos qui font la une des magazines de management ces derniers mois. Voilà le reflet de notre société : l’exacerbation de la remise en cause de son emploi et la quête inexorable de sens. C’était déjà amorcé et là, on a pris un coup d’accélérateur. « La question du sens prend tout son sens, le travail doit avoir d’autant plus de sens qu’il n’est pas une finalité en soi ». Qui va apporter le sens aux équipes ? C’est l’entreprise qui est attendue sur ce terrain-là, la responsabilité de l’entreprise ne cesse de s’élargir.
3 : La responsabilité sociétale, clé de la performance. L’économiste Milton Friedman considérait que la seule responsabilité sociale de l’entreprise était de faire du profit pour ses actionnaires, une vision désormais controversée voire combattue. La Responsabilité Sociétale de l’Entreprise est perçue comme une condition incontournable de compétitivité, voire bientôt de survie. Même les investisseurs sont prêts à renoncer à une part de profit au profit de plus d’engagement. C’est un moment historique du capitalisme que nous sommes en train de vivre. Ce n’est pas une nouveauté, mais tout ce que l’on vient de vivre l’a accéléré. Les entreprises engagées dans une démarche RSE délivrent un rendement supérieur de 9,3% en moyenne, de quoi conforter le principe de Friedman.
Alors comment faire ? Amy Emondson, professeure à Harvard, décrit dans son livre « The fearless organisation » la sécurité psychologique chez les collaborateurs comme une dimension émotionnelle favorable à l’apprentissage, à l’innovation, à la créativité, à la croissance.
Cette sécurité psychologique expliquerait les différences de performance entre les entreprises et se définit selon quatre axes : objectifs clairs, collègues fiables, sens du travail et la conviction que leur contribution a un réel impact.
Dans un monde bien complexe, compte tenu des multiples variables internes et externes à intégrer pour faire performer l’entreprise, faute de disposer du quotient intellectuel adapté…nous pourrions affirmer que la performance durable nécessite de s’appuyer sur 4 autres quotients…
- [passionnel] Faire battre le cœur de tous… et de chacun
- [émotionnel] Se connecter au cerveau de chacun
- [artériel] Faire circuler le sang en misant sur le collectif
- [opérationnel] Faire travailler les muscles
Faire battre le cœur de tous…et de chacun
Quand on parle de on parle de vision d’avenir, de raison d’être, d’exprimer l’utilité de l’entreprise… Pas étonnant que ces dix dernières années, la « raison d’être » fasse l’objet de milliers d’article et de titres d’ouvrages. La tentation pointe d’ »adopter » une raison d’être…. Dans « adopter », on cherche quelque chose à l’extérieur qui ne vient pas naturellement. Mais cela n’embarque personne. Dans raison d’être, il y a aussi « être ». Quand on dialogue avec un dirigeant ou un collaborateur sur sa raison d’être, le moment où le sourire apparait, c’est lorsque l’on parle de l’ADN, des valeurs, de la singularité, de l’histoire, des modèles mentaux de l’entreprise, de ce que sont vraiment les personnes à l’intérieur de l’entreprise. C’est quand on révèle l’être qu’on attise la flamme. Alors pourquoi oublier cette identité, ces caractéristiques intrinsèques qui vivent naturellement chez chacun ? Allons chercher à l’extérieur le supplément d’âme mais n’oublions pas qu’à l’intérieur, la raison d’être existe souvent déjà. Éclairons ce que nous ne voyons plus. La singularité fait déjà la fierté des collaborateurs.
Être collaborateur dans une entreprise utile, c’est super. Mais est-on soi-même utile pour autant ? Selon un sondage réalisé auprès de 12 000 personnes, 50% estiment que le travail doit avoir un sens. Ces personnes sont 1,4 fois plus engagées et ont 3 fois moins de chance de quitter l’entreprise. Donc le sens du travail de l’individu a une importance majeure. « Si tu veux me donner du sens, demande-moi comment je me sens. »
Pour travailler sur le sens, il ne suffit pas de travailler sur la raison d’être.
Se connecter au cerveau de chacun
La crise a laissé des traces. 68% des dirigeants ont décidé de s’occuper plus fortement des soft skills qu’avant la crise, 42% affirment que revoir le management est un des grands projets des mois et années à venir. Quand on demande aux dirigeants quelles sont les priorités du management, ils répondent à 60% le climat social, à 59% le bien-être, à 49% l’équilibre de vie personnelle/ professionnelle. Quand on leur demande leurs attentes vis-à-vis du manager ? Ils répondent à 90% “qu’ils motivent les collaborateurs”, à 89% qu’ils organisent le travail. Et quand on demande aux collaborateurs ce qu’ils attendent des managers ? 51% souhaitent qu’ils les motivent ! Globalement, tout le monde s’accorde à dire que prise de décision et intelligence relationnelle sont les qualités attendues !
Faire circuler le sang
Le manque de collectif est un des plus gros dangers de perte de sens et de créativité. Le lien social, les relations avec les autres, sont une source de bonheur au travail pour 42 % des salariés, et même 100% chez les jeunes. L’innovation sera collective ou ne sera pas. Certains ont pensé que le télétravail permettait d’être plus productif, de « dépoter » … mais se voir, en vrai, est bien plus sympathique et source de nouvelles idées. L’homme seul produit la tâche, mais c’est le groupe qui produit les idées.
Faire travailler les muscles
N’oublions pas que le sens, l’utilité viennent de la perception du résultat produit, de conditions rassemblées pour que chacun puisse exprimer le meilleur de lui-même, de la clarté des objectifs… et donc que l’excellence opérationnelle n’est pas qu’un facteur clé de résultat, elle est une véritable condition de motivation.
A nous, dirigeants et managers, d’agir sur ces quatre quotients pour embarquer nos équipes et performer durablement !